Webinaire en replay - Comment détruire ou rénover les prairies sans glyphosate ni labour ?
Détruire une prairie sans labour ni glyphosate, est-ce possible ? C’est ce que cherchent à évaluer ARVALIS et ses partenaires dans le projet Praigly(*). Des itinéraires techniques innovants ou alternatifs en matière de destruction ou de rénovation de couverts prairiaux sont mis à l'épreuve du champ depuis 2019. Retour sur les premiers résultats.
Dans un premier temps, une enquête s’est intéressée aux alternatives mises en œuvre et au retour d’expérience de 10 éleveurs de bovins. Il en ressort la prépondérance de la destruction mécanique par travail du sol superficiel, suivi ou non de l’implantation d’une dérobée.
Pour évaluer plus finement ces solutions, les partenaires du projet Praigly ont mis en place des essais sur cinq sites expérimentaux, de la Bretagne à la Meuse. Pour deux d’entre eux, trois alternatives de travail superficiel du sol sont testées sur des prairies temporaires : destruction précoce, tardive et après l’implantation d’une dérobée en automne. Sur les autres sites, quatre modalités de rénovation de prairies permanentes sont expérimentées : implantation d’une dérobée de printemps, semis d’un méteil en même temps que la prairie à l’automne, travail superficiel et désherbage électrique. Pour chaque site, une destruction avec du glyphosate et une autre par labour servent de références.
• Comment rénover une prairie permanente ?
• Comment détruire une prairie temporaire avant un maïs ?
Retour d'expériences : dix agriculteurs témoignent
Une enquête s’est intéressée au retour d'expériences de dix agriculteurs - tous éleveurs de bovins et, pour la plupart, en agriculture biologique - qui ont mis en place depuis quelques années des alternatives au labour ou au glyphosate pour la destruction de leurs prairies. Ils réalisent principalement des interventions mécaniques effectuant un travail du sol superficiel, avec des outils qui scalpent les plantes ou extirpent les racines du sol. Leurs pratiques peuvent être regroupées selon quatre classes d’outils :
- outil à dents avec socs « pattes d’oie » ou à « ailettes », ayant pour finalité de scalper les plantes en dessous du plateau de tallage ;
- outil à disques indépendants, dont l’objectif est de découper la prairie en bandes étroites ;
- outil à dents animé, avec rotor à axe horizontal et lames incurvées (type fraise rotative ou rotavator), pour scalper les plantes en dessous du plateau de tallage et mélanger les résidus ;
- outil à dents auto-animé, avec rotors à axes horizontaux et dents droites (type Dynadrive), pour découper et soulever la prairie.
Pour réussir à détruire la prairie, les quatre conditions les plus souvent citées par les exploitants sont la précision du travail (en particulier le contrôle de la profondeur de l’outil ; cité par neuf agriculteurs sur dix), l’état du sol au moment des interventions, le délai entre le début de la destruction et l’implantation de la culture suivante et une météo favorable.
Plusieurs passages successifs d’outils sont nécessaires pour venir à bout des repousses de prairie - plus de cinq en moyenne, semis inclus, selon les agriculteurs enquêtés. Quatre des dix agriculteurs enquêtés croisent les passages d’un même outil afin d’avoir une surface maximale de sol travaillé. Les outils à disques ainsi que le rotavator ont tendance à créer une semelle sous l’horizon travaillé. Dans ce cas, les agriculteurs enquêtés la fissurent avec un outil à dent.
En plus de l’utilisation d’outil de destruction superficiel de la prairie, intercaler une culture dérobée entre la prairie à détruire et la nouvelle culture peut être intéressant. Dans ce cas, l’objectif est de compter sur le pouvoir d’étouffement du couvert pour maîtriser les espèces prairiales non détruites à l’implantation de cette dérobée. Deux agriculteurs parmi les dix enquêtés ont mis en œuvre cette méthode alternatives, qui permet en plus de produire un fourrage complémentaire qui pourra être pâturé ou récolté.
Une culture dérobée étouffante (ici un méteil) implantée à la destruction de la prairie permet de limiter les repousses dans la culture suivante.
Une destruction qui demande de la précisionIl ressort de ces témoignages que les prairies peuvent être détruites mécaniquement avec un travail superficiel, à condition de :
- contrôler précisément la profondeur de travail,
- réaliser plusieurs passages pour que 100 % de la prairie soit détruite. La destruction précoce de la prairie laisse du temps pour multiplier les passages en bonnes conditions et dégrader les débris végétaux.
Si elle est réussie, l’implantation d’une dérobée est intéressante : une forte biomasse étouffe les repousses de prairie, garde un sol couvert et produit du fourrage.
Comment rénover une prairie permanente ?
Les prairies permanentes confrontées aux aléas climatiques (sécheresses, canicule, inondations, gels tardifs) voient leur composition floristique se dégrader fortement. Il en résulte une perte de rendement et une diminution de leur qualité, avec disparition des bonnes espèces fourragères et développement d’espèces de faible valeur alimentaires, voire d’adventices (vivaces). À ce stade de dégradation, la rénovation de la prairie nécessite le plus souvent une destruction du couvert en place et le resemis d’une nouvelle prairie.
Un travail superficiel suivi d’un semis sous couvert de méteils tire son épingle du jeu
Dans le cadre du projet Praigly, différents itinéraires techniques ont été testés entre 2019 et 2021 sur la Ferme Expérimentale de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55). Ils s’appuient tous sur un travail superficiel préalable, à l’aide d’un déchaumeur à disques indépendants, complété par d’autres opérations culturales. Parmi les cinq modalités testées, un semis décalé fin septembre–début octobre sous couvert d’un méteil d’automne affiche les meilleurs rendements la première année après implantation (figure 1). Le semis de fin d’été après une culture dérobée fourragère est lui aussi très prometteur. Ces deux modalités garantissent, dès la première année, une bonne maîtrise des adventices contrairement aux trois autres modalités (glyphosate, désherbage électrique ou travail superficiel avant semis).
Ces résultats devront être confrontés à ceux acquis sur la Ferme Expérimentale de la Blanche Maison (50) qui a testé ces modalités sur une prairie permanente avec une forte présence d’agrostis.
Figure 1 : Analyse floristique (% de familles prairiales) réalisée au cours de la première année d’installation (2e cycle) dans les différentes modalités de rénovation des prairies permanentes – ferme expérimentale de Saint-Hilaire-en-Woëvre (55)
Focus sur les performances de différents outils de travail du sol
Un travail réalisé au cours de l’été-automne 2021 sur la Ferme Expérimentale des Bordes (36) a permis de comparer trois outils de destruction de la prairie avant sa rénovation - charrue déchaumeuse, outil à dents avec ailettes et rotavator - à deux témoins (glyphosate et labour). Si les principes d’action de ces trois outils sont différents (pseudo-labour, scalpage de la végétation et émiettement fin du sol), ils ont tous en commun de travailler le sol entre 5 et 10 cm. Les premières observations sur le taux de levées des espèces semées montrent une efficacité correcte sur les modalités labour, outil à dents avec ailettes et, dans une moindre mesure, charrue déchaumeuse. Le témoin glyphosate montre une réussite à la levée insatisfaisante, qui peut s’expliquer par la reprise en végétation importante des trèfles blancs. Le rotavator a permis une destruction complète de la prairie et un lit de semence bien émietté, mais le taux de levée reste très faible sur cette modalité.
Comment détruire une prairie temporaire avant un maïs ?
En systèmes de polyculture-élevage, les prairies temporaires sont détruites après 5-6 ans d’exploitation, souvent pour implanter un maïs. Dans ce cadre, quatre essais ont été conduits entre 2019 et 2021 sur les stations expérimentales ARVALIS de Bignan (56) et de La Jaillière (44). En comparaison aux témoins glyphosate et labour, trois itinéraires alternatifs ont été évalués dans des conditions expérimentales variées : état de la prairie à détruire, cumuls de pluie au printemps…
Le labour, quand il est possible, confirme son efficacité pour détruire les espèces prairiales et les éventuelles vivaces, avec une bonne souplesse de mise en œuvre.
Le travail du sol superficiel peut donner de bons résultats, mais avec plus de variabilité (figure 2). Sa réussite nécessite de réunir plusieurs conditions : un sol bien nivelé, un nombre minimum de trois passage (à l’exception du rotavator), un réglage précis des outils (notamment la profondeur de travail) et un temps suffisamment long sans pluie après passage pour terminer la destruction de la prairie.
Les itinéraires fauche tardive et dérobé méteil n’ont, en moyenne, pas donné satisfaction dans ces essais. La fauche tardive laisse peu de temps pour détruire complètement la prairie avant l’implantation du maïs et le méteil, implanté à l’automne, ne permet pas toujours d’étouffer les repousses prairiales, même quand sa production est élevée.
Figure 2 : Densité de ray-grass dans le maïs avant désherbage, après différents itinéraires de destruction d’une prairie temporaire
Répéter les passages superficiels
Un essai, réalisé en 2021, comparant différents outils avant l’implantation d’un maïs, a mis en évidence la nécessaire cohérence dans la succession des interventions.
Ainsi, un outil à dents, munis de socs à patte d’oie ou à ailettes, permet un bon scalpage de la surface de la prairie. Mais il est difficile de travailler à moins de 5-6 cm de profondeur, et beaucoup de terre reste accrochée aux racines. Les plantes peuvent repartir si l’humidité est suffisante. Le deuxième passage doit permettre de secouer la terre. Pour cela, un outil animé est le plus approprié.
D’autres outils se sont montrés efficaces pour détruire la prairie : le Rotavator et l’outil autoanimé Dynadrive (marque de Bomford). Le Rotavator est efficace en un seul passage, mais avec un débit de chantier très faible ; le Dynadrive réalise un bon travail de destruction, par déracinement, sous réserve d’adapter le nombre de passages à l’état de la prairie et aux conditions d’humidité du sol.
En revanche, le déchaumeur à disques indépendants testé dans cet essai n’a pas permis d’obtenir de bons résultats en un nombre réduit de passages.
À une profondeur de 5-6 cm, l’outil à dents équipé de socs à ailettes a permis un bon scalpage de la prairie (à droite). Pour secouer les touffes et séparer la terre restant accrochée aux racines, la reprise sera réalisée avec un outil animé, type herse rotative.
L’observation attentive du travail réalisé par les outils reste une règle d’or pour optimiser le nombre de passages et réduire les coûts.
Sur tous les essais menés dans le cadre de ce projet, une analyse multicritères (temps passé, consommation de fioul, coût économique, émission de gaz à effet de serre…) va être réalisée avec l’outil Systerre® d’ARVALIS, en complément des notations d’efficacité. Cela permettra d’aller plus loin dans l’évaluation des techniques alternatives au glyphosate et au labour et de consolider les préconisations.
* Les partenaires du projet FranceAgriMer Praigly (2019-2022), autour d’ARVALIS, sont l’Institut de l’élevage (Idele), la ferme expérimentale de La Blanche Maison (Chambre d’agriculture régionale de Normandie) et l’Association Francophone pour la Production Fourragère (AFPF).
Réagissez !
Merci de vous connecter pour commenter cet article.